KILOU(PRESQUE)TOUT : les (faux) amis du (vrai) soleil levant ou comment louer des relations

Le déjeuner familial est sur le point de se terminer.

Une lumière pâle se reflète sur une nature morte de cerisier accrochée à un mur jaune, en dessous de laquelle repose un bonsaï enraciné dans un cloisonné turquoise posé sur un meuble acajou. A ses côtés, se déploie une rangée de chaussures parfaitement alignées. Des convives se lèvent et se dirigent vers une table laquée rouge orangé recouverte de tasses et de théières.

– Tu dois vraiment partir maintenant ? Demande d’une voix lascive dans laquelle pointe une légère amertume la femme brune au teint de cire.

– Tu sais bien, fait-il en s’approchant d’elle et en lui caressant la joue. C’est le deal.

La femme verse délicatement du thé au jasmin dans une tasse de porcelaine et la lui tend. L’homme décline. Elle masque sa déception.

– Mais tu as combien de femmes ? Dit-elle à voix basse, de peur qu’on l’entende.

L’homme recule, réajuste le pli du pantalon de son costume anthracite et se dirige vers un porte-manteau pour prendre son blouson.

– À quoi bon savoir, réplique-t-il

– Si, si ! Dis-moi, supplie-t-elle en le suivant dans un bruit d’étoffe. Je suis la combientième aujourd’hui ?

L’homme hésite. Elle s’approche et le dévisage comme pour percevoir la vérité au fond de ses pupilles.

– Allez, tu me dois bien ça. Au prix que tu me coûtes…

– Tu…Tu es ma deuxième aujourd’hui. J’en ai encore cinq à voir et j’aurai terminé ma journée.

 

Fiction ? Surhomme ? Pas vraiment.

Car au Japon, on peut, via des sociétés comme Family Romance, « louer » des amis, des maris, des épouses, des pères de substitution.

Rien à voir avec le sexe.

Au Japon, on dissocie le tatemae le masque que l’on porte en société, de ce que l’on pense vraiment, le hon’ne. L’être et le paraître.

En société, la vertu repose sur la faculté à maîtriser son hon’ne pour adopter cette attitude idéale, attendue par l’environnement extérieur.

Les rôles sont souvent joués par des acteurs capables de se transformer en proches de substitution, payés pour de délicates missions de ne pas faire perdre la face à une personne seule lors de réception, mariage, dîner avec des enfants, lesquelles peuvent s’enchaîner au cours d’une journée.

 

L’explosion de ce business de faux amis ou parents met en lumière une grande détresse humaine qui sévit au Japon.

J’espère que notre intelligence relationnelle collective, l’une de nos dix intelligences, nous évitera de vivre un jour cela…