Le Covid-19 ou le Mai 68 de l’émancipation 2.0 du Télétravail : le désarroi existentiel des managers

Le télétravail

En quelques jours, l’ensemble des entreprises l’ont adopté, adapté, avec des résultats plus que probants dans l’ensemble. Seuls 25% des gens qui l’ont vécu ont envie de retrouver leur situation initiale tandis que 48% souhaiteraient le prolonger.

Pourtant, si on ne parlait que de télétravail depuis de nombreuses années, s’il avait bien été mis en place ici et là, force était de constater que demeuraient des freins divers pour son développement. Les raisons évoquées par le management pour sa non mise en place se justifiaient parfois, comme la faiblesse du réseau, le manque d’imprimantes, de fournitures, …

Cependant, comme nous le découvrirons, il y avait autre chose, de plus enfoui, de moins palpable : le besoin de contrôle des managers, accentué par le « présentiel ».

On constatait en effet, deux phénomènes concomitants avant le Covid-19 :

  • D’un côté, ce besoin d’émancipation, d’autonomie, né à l’issue de nos études et premières embauches, notre première velléité à sortir de l’influence parentale – une autorité par essence qui agissait sur nous la plupart du temps en contrôle, en surveillance, en rapport de confiance.

Mai 1968 s’est avéré sur ce point une cassure aussi violente que nécessaire pour changer la donne du « joug » parental et tendre vers une plus grande ouverture d’esprit, vers l’évolution des relations parents/enfants.

Par la suite, sans le savoir, sans conscience réelle, ce désir d’émancipation toujours prégnant a été vivifié lentement mais sûrement par une organisation managériale pyramidale. L’autorité qu’exerçaient nos N+1 (supérieur hiérarchique, direction générale, …) avoisinait souvent le « contrôle parental ».

Les mots co-construction, caring, bottom-up, pointaient alors comme les premières barricades de Saint Germain des Prés. Ne manquait qu’une étincelle pour une révolution en douceur.

  • De l’autre côté, un refus de ce besoin d’émancipation par un management top down, d’autorité, presque « existentiel » de la part de la plupart de ceux qui l’exerçaient. Le désir de contrôler l’autre puise sa source dans le manque de confiance en soi, dans les blessures de l’enfance comme la peur de l’abandon ou du rejet, voire dans le ressenti d’un manque de légitimité.

Le télétravail pendant le confinement est venu mettre en lumière ces deux phénomènes. Il s’est avéré bénéfique, fécond, performant, dès lors que la confiance était instaurée, dès lors qu’un lâcher-prise au niveau managérial se faisait sentir, quand des degrés de liberté étaient accordés aux N-1, N-2, etc. En somme, dès lors qu’une « autorité » faisait confiance à ses « collaborateurs » dans un cadre certes, mais un cadre élargi. L’exégèse de l’intelligence relationnelle.

Tout autre fonctionnement équivalent à une forme de « pression parentale » exercée par des managers qui souhaitaient garder le contrôle et justifier leurs postes, s’est soldé par un échec.

Il y a fort à parier que l’apparition de cette nouvelle forme d’émancipation 2.0, indispensable et à mon avis irréversible, aura une influence fondamentale sur le management de demain. Il faudra surtout prendre paradoxalement en compte le désarroi…des managers, habitués jusque-là à avoir leurs subordonnés à portée, « à leurs mains » si je puis dire, pour transférer et projeter le besoin inconscient de contrôle vers des cieux humainement plus productifs.

De même, j’émets l’hypothèse que les femmes préfèreront majoritairement repartir sur le lieu de travail habituel pour échapper au trop plein d’activité familiale…

photo © Bruno Barbey