05 Mar Pourquoi certains philosophes créent-ils de vaines polémiques à chaque sortie de leur livre ?
Le 7 février dernier, le Figaro publiait une tribune reprenant les propos suivants de deux philosophes : « la mode du développement personnel agacerait les philosophes ».
De…(Funès)tes pensées pour un tout petit…(Pépin) en somme.
Pourquoi donc prendre pour cible une profession reconnue depuis de nombreuses années ? Des résultats chiffrés existeraient aux US, annoncent-ils. Dommage de ne pas les partager… Verrait-on un André Comte Sponville, un Edgar Morin ou un Luc Ferry, prendre ainsi partie dans une dépêche AFP ?… La philosophie serait-elle à ce point à bout de souffle pour que certains s’en prennent au développement personnel ? Il est vrai que la chose est fréquente dès lors qu’intervient la sortie d’un nouveau livre…
Puisqu’en coaching on accueille, on demeure bienveillant, en toutes circonstances, essayons de comprendre ce qu’il se passe :
Le premier constat est qu’une cause perdue, quelle qu’elle soit, a toujours eu besoin, historiquement, de s’en prendre à d’autres de manière extrême afin d’exister. En d’autres termes, il semblerait que la philosophie ressente l’impérieux besoin de se faire connaître par tous les moyens et surtout par le truchement de la polémique. Chant du cygne ?
En sommes-nous là et est-ce le chemin emprunté par la majorité des philosophes ? Certes non. Car la philosophie qualitative se porte très bien et c’est tant mieux : Comte Sponville n’a-t-il pas témoigné de sa finesse dans de justes analyses pendant le confinement ? Luc Ferry n’accepte-t-il pas avec grande joie de témoigner dans des livres…sur le coaching, quand il ne véhicule pas les valeurs de la philosophie dans de remarquables conférences ?
En quoi alors les intervenants du développement personnel feraient-ils de l’ombre aux philosophes ? Prenons l’exemple du coaching, lequel comporte d’innombrables vertus lorsqu’il a été bien enseigné et dès lors qu’il est bien pratiqué. Dans sa multiplicité, son éclectisme, dans les valeurs de Jung, Nietzsche, Spinoza et autres qu’il véhicule, il révèle au coaché un chemin, une philosophie de vie.
Je ne peux nonobstant que donner en ce point raison à nos deux rebelles car force est de constater que nombre de nos confrères s’improvisent coaches ou le deviennent au bout d’une formation accélérée. N’y a-t-il pas là, toutefois, le témoignage d’un secteur en pleine vigueur dans lequel il conviendra au cours du temps de trier le bon grain de l’ivraie ? Ce d’autant plus que, activité responsable, le coaching s’exerce non seulement dans un cadre bien déterminé de confidence, mais obéit de surcroît à des règles strictes et une déontologie qui semble plutôt absente chez les philosophes. Un coach digne de ce nom se fait par exemple régulièrement superviser. En est-il de même avec les philosophes ? Evidemment non. En l’espèce, n’y aurait-il pas là un intérêt pour ces derniers à s’inspirer de nos pratiques pour réguler ce mauvais égo inéluctable qui vient frapper chaque être face à un ersatz de célébrité ou de puissance.
Enfin, le SIMACS, le Syndicat Interprofessionnel des Métiers de l’Accompagnement, du Coaching et la Supervision, s’est créé en 2019 par 5 fédérations interprofessionnelles (EMCC France, ICF France, SF Coach, PSF France et le SynPAAC) afin de devenir l’interlocuteur des pouvoirs publics pour la reconnaissance des métiers de l’accompagnement professionnel. Un secteur qui avance donc uni, structuré autour d’une éthique de la pratique, et non en ordre dispersé.
Posons-nous tout de même une question qui me semble plus intéressante que la vaine polémique : faut-il avoir suivi des cours de philosophie pour être philosophe dans la vie ? Les très nombreux champions de vie, les phares dans la nuit, comme tant d’autres, ont des principes de vie, des modes de vie, des pratiques de vie, bref une philosophie de vie construite au cours du temps. Laquelle les ancre, souvent dans le Ici et le Maintenant, leur permet d’accueillir, de se réinventer et d’affronter l’incertitude. Ils disposent pour cela d’une intelligence relationnelle, laquelle impose avant tout le travail sur soi pour mieux écouter l’autre, vertu cardinale en ces temps de besoin d’apaisement.
Deux événements me rassurent néanmoins :
- d’une part, le fait que l’un des deux protagonistes en question m’ait précisé les yeux dans les yeux dans une émission commune sur Radio Notre Dame que « ce n’était pas ce qu’il avait voulu dire au Figaro ».
Dont acte.
- de l’autre, celui qu’il reprenne à son compte, aux rencontres numérique de la Fnac, l’exemple de Nadal, deux jours après l’avoir découvert à l’issue de mon intervention sur Radio Notre Dame…
Comme quoi, développement personnel et philosophie sont sources d’inspirations réciproques et peuvent faire bon ménage…