De Christophe Dominici à Nicolas de Staël

Christophe Dominici m’avait tendu la main un soir de déprime, en 99.

Bien des années plus tard, il avait estimé nécessaire de suivre quelques séances de coaching de vie. C’était il y a trois ans. Il m’avait certes déjà confié, çà et là, de nombreuses réflexions sur la vie, la mort, le rugby, sa sœur… Mais il sentait que c’était probablement le moment de creuser plus en profondeur – ce que nous avions essayé de faire.

 

Mercredi dernier, pendant la messe parisienne célébrant sa mémoire, tous ces fragments d’échanges se sont alignés, précipités.

 

Le mantra qui avait fait de lui ce joueur hors norme lui avait été insufflé par un kinésiologue, Pierre Césano : « C’est un sport d’évitement. Sois l’anguille au milieu des rochers et regarde derrière la ligne ». Au moment d’entrer sur le terrain pour la demi-finale de 99 contre les All Blacks, Christophe prend peur. Il a face à lui des géants, des montagnes de chair et de détermination. Il grimpe quatre à quatre dans les tribunes et Césano le rassure de nouveau : « Regarde derrière la ligne… ».

 

C’est cette phrase qui est venue me transpercer au milieu du chagrin général.

 

En fait, Christophe Dominici n’aimait pas la matière, ce premier plan constitué d’empoisonnements, d’obstacles, que ce soit dans la vie ou face à un alignement quinziste.

Tout ce qui l’intéressait, tout ce qui l’aspirait, tout ce qui l’inspirait, c’était ce qu’il y avait « derrière » chaque premier plan, vers l’impalpable, le vide, les espaces, la lumière.

Vers ce que les autres ne voyaient pas. Vers « l’entre » dirait le philosophe sinologue François Jullien. Vers la lumière, tout simplement. Éternelle. Celle si bien décrite et retranscrite par Nicolas de Staël dans ses toiles, qui lui-même décida de s’en approcher de plus près à la quarantaine. Celle vers laquelle nous tournerons un jour notre âme et cœur.

 

Christophe Dominici était un ailier rapide.

Quoi de plus normal qu’il soit arrivé avant nous vers la lumière…