Donald Thomas, l’intelligence kinesthésique

Enfin un Donald qui ne nous prend pas pour des Mickeys.

Ou comment prendre de la hauteur, dans tous les sens du terme.

Le Saint Thomas… taquin !

Nous sommes en 2006, dans un stade d’athlétisme couvert de l’Université Lindenwood de Saint Charles dans le Missouri.

– Alors les gars, vous avez vu ces dunks?

 

Donald Thomas est hilare, un brin provocateur devant une poignée de copains. Cet athlète bahaméen d’1,90m pour seulement 70 kg les toise du haut de ses 21 ans. Doté d’une détente exceptionnelle, il enchaîne les prouesses avec son ballon de basket. Son rêve ultime ? Être drafté par la NBA et devenir basketteur professionnel.

 

L’un de ses comparses objecte en désignant l’atelier de saut en hauteur situé quelques mètres plus loin :

– Arrête de frimer Don ! Tu ne serais même pas capable de franchir la barre qui est là-bas !

 

Donald Thomas se fige, puis lance un regard de défi. Accompagné de ses amis, il s’approche du sautoir. Une barre y est installée à une hauteur de 1,98m. Il recule, prend ses marques et, ses grosses chaussures de basket aux pieds, s’élance… et la franchit aisément.

 

Il réessaye deux jours plus tard et passe les 2,13 mètres, alors que ce n’est que le troisième saut de sa vie. C’est le déclic. Il migre vers Auburn, dans l’Alabama, dans une université spécialisée en athlétisme. En 2007, son record personnel atteindra 2,34 m dans un style… inimitable !

Dix-huit mois seulement après son pari, lorsque Donald Thomas est sélectionné aux championnats du monde d’Osaka, ses adversaires sont nombreux à avoir franchi 2,35 dans l’année…

Peu lui importe.

Les essais s’enchaînent, la tension monte. Le presque débutant se révèle être une bête à concours, à la formidable intelligence kinesthésique. Personne ou presque ne connaît alors cet athlète à la technique frustre, le buste penché vers l’avant dans sa course d’élan et ce drôle de battement de jambes en plein vol.

Mais il gagne ! Il est champion du monde après moins de deux ans de pratique !

Son dauphin, le Suédois Stefan Holm dira après coup : « C’est moche, mais putain qu’est-ce que c’est efficace ! »

Je coache différents champions. Et, à chaque fois, je suis confronté au scepticisme des entraîneurs lorsque j’explique qu’il est inutile d’enchaîner les heures d’entraînement.

En France, le quantitatif, les datas, nous tuent à petit feu.

Comme un virus. Surtout dans le sport.

Quand comprendra-t-on que seul le qualitatif compte ?