Serial killer, serial menteur et serial chercheur !

Ou quand un « profiler » mythomane sévit au milieu de « serials non-vérificateurs de sources » (pas même la police…)

 

Nous étions en juillet, il y a quelques années de cela.

Il régnait une chaleur de bête sous les cinq tentes mises à disposition des auteurs.

Des badauds de tous âges allaient et venaient avec ce talent inégalable de soupeser votre roman, de tourner quelques pages tout en jetant un œil à votre faciès, comme si ce modus operandi de quelques secondes en disait plus long que les deux ans que prenaient en moyenne une fiction à écrire.

Ce salon du livre en était à sa dixième édition et quelques écrivains vedettes avaient fait le déplacement. Il faut dire que l’organisation y mettait du sien : logement dans un hôtel très correct, déjeuners et repas pantagruéliques organisés par des bénévoles, navettes pour nos déplacements, présence des médias locaux.  Et un public de passionnés qui venaient acheter des livres émaillés des fameuses dédicaces octroyées par chaque auteur, régulièrement complétées d’une photo tout sourire qui finirait sans doute engloutie dans les oubliettes des réseaux…

 

L’une des stars du salon n’était autre que Stéphane Bourgoin.

Celui-là même qui, à l’instar des médias, se présentait comme THE « specialist » des tueurs en série, l’homme qui avait collaboré avec le FBI, la police et gendarmerie française. THE « profiler » par excellence que radios et TV s’arrachaient en consultation à chaque homicide.

À l’époque, le dernier de ses avis éclairés, relayé en boucle portait sur l’assassinat de la malheureuse Maëlys par Nordahl Lelandais.

 

Las d’attendre le chaland, bien qu’ayant signé quelques ouvrages – dédicaces probablement dues à l’excellente chronique de Bernard Poirette sur RTL sur mon dernier opus, le matin même, plus qu’à la qualité de ma plume – je me dirigeai vers la tente sous laquelle Stéphane Bourgoin distribuait ses paraphes en nombre.

 

Je m’approchai de lui, timide, dans l’espoir d’échanger.

L’homme leva à peine son regard mais finit par me fixer de ses yeux délavés.

Je tentai de créer un lien. Après tout, le héros de ma saga qui m’avait valu le prix de Beaune était un ex-flic du FBI à la poursuite d’un serial killer et je m’étais longuement renseigné sur leurs cas. L’une des difficultés de les arrêter aux Etats-Unis s’expliquait par l’imperméabilité entre différentes polices : de la route, de l’air, du FBI, chemins de fer, locales… lesquelles échangeaient rarement leurs fichiers.

Assurément une belle entrée en matière avec Bourgoin…

Peine perdue.

Il me fit comprendre de sa voix fluette que je le dérangeais. Il faut dire que cela se bousculait aux portillons pour obtenir sa dédicace.

 

Cette histoire m’était sortie de la tête. J’étais passé à d’autres écrits, axés sur le coaching et le développement personnel – quoiqu’un cinquième polar attendît toujours une grâce éditoriale.

Jusqu’à ce que Paris Match consacre, il y a deux semaines, un article à l’auteur intitulé « Stéphane Bourgoin-serial menteur ». Quelques personnes m’appelèrent pour me demander s’il était de ma famille… Je rappelai alors pour la nième fois depuis mon enfance que mon nom était Bourgois et non Bourgoin ou Bourgeois ou Bourguin, comme il plaisait à l’administration, les professeurs, les impôts, la sécu, les journalistes, de le déformer sans relâche et avec des trésors d’imagination…

Stéphane Bourgoin avait été piégé par un média – enfin un qui avait fait son boulot, à savoir simplement… vérifier les sources.

Jugez plutôt :

– « l’assassinat » de sa compagne par un serial killer -fait sur lequel il avait construit sa réputation,

– sa formation FBI,

– ses 77 serial killers interviewés,

– ses contributions auprès des gendarmes pour retrouver des tueurs en série…

…Tout cela était… fake !!

Nous avons d’excellents journalistes dans notre pays, dotés d’une forte intelligence verbo-linguistique.

Cependant, il semblerait qu’il incombe désormais à nous, lecteurs et auditeurs, de faire l’effort de trier le bon grain de l’ivraie.

Cela est également vrai pour les articles relatifs à la pandémie, aux posologies et recherches de certains « profilers scientifiques » de tout poil pour guérir de la Covid-19, autre serial killer par excellence…