Volonté et self control, acte 2

Les fêtes de fin d’année sont très souvent LE moment choisi pour prendre de bonnes résolutions pour l’année suivante (que vous ne tiendrez vraisemblablement pas !). Pourquoi ? Réponses en deux actes.

 

Acte 1 : Comment fonctionnent votre volonté et votre self control ?

Acte 2 : Comment organiser son planning décisionnel en fonction d’un carburant méconnu : le glucose ?

Nous avons vu précédemment que l’humain a besoin de glucose pour activer sa volonté…

Une étude, évoquée dans mon ouvrage « les secrets de vos 10 intelligences pour redonner du sens à votre vie » et très connue des sociologues américains comme Roy F. Baumeister, portait sur les condamnations d’un panel de délinquants qui méritaient, selon la stricte application de la loi, entre cinq et dix ans de prison. Eh bien, ceux qui étaient jugés le matin, entre 9 heures et 10 h 30, prenaient cinq ans, ceux jugés ensuite écopaient de dix ans ; après la pause déjeuner, cinq ans, et passé 16 h 30, de nouveau dix ans. La volonté et le self-control des juges s’épuisaient et se rechargeaient au rythme des repas…

Une étude démontre que sur une liste de vingt-cinq vertus (des traits de caractère positifs comme l’honnêteté, le courage, la modestie, etc.) présentée par des chercheurs à plus d’un million de personnes dans le monde entier afin qu’elles énumèrent leurs qualités principales, le self-control est arrivé… bon dernier ! Étrange pour des individus qui sont de plus en plus nombreux à vouloir tout contrôler, les hommes comme les événements. De fait, l’étude montre qu’ils ont du mal à trouver d’abord le contrôle… d’eux-mêmes !

« Je résiste à tout, disait Oscar Wilde, sauf à la tentation »… Roy F. Baumeister a démontré que nous passons entre trois et quatre heures par jour à résister à nos envies par un effort de maîtrise. Un contrôle directement corrélé à notre ego mais qui s’épuise vite (affaiblissement de nos pensées, de nos sentiments, de nos actions, etc.). Quand la glycémie commence à baisser, l’ego, fatigué, déplace l’activité dans une autre zone du cerveau ; celui-ci ne s’arrête pas de fonctionner mais met fin à certaines activités et en commence d’autres. Raison pour laquelle les personnes dont l’ego est épuisé ressentent ce qui leur arrive avec plus d’intensité que d’habitude.

Voici une anecdote véridique à propos d’un ami de mon père, commandant de bord Air France sur un 747, qui assurait ce jour-là une liaison Paris-Djibouti-la Réunion. Le temps était clair et l’avion volait tranquillement à dix mille mètres d’altitude, avec un léger vent de face. Les voyageurs assis en première classe s’alimentaient régulièrement et buvaient du champagne. L’heure du dîner approchait. Pour ceux qui aimaient l’agneau, le menu proposait un beau gigot. L’hôtesse prépara le chariot avec un choix de garnitures et de vins fins, la viande placée sur une planche à découper. Elle se présenta devant un homme confortablement installé dans son siège, le plus Anglais des Anglais dans son costume trois-pièces en beau tweed à carreaux, cravate impeccable. L’hôtesse lui demanda s’il désirait dîner. Il acquiesça, puis replia le Times qu’il était en train de lire et le posa à côté de lui. L’hôtesse découpait soigneusement deux tranches de viande quand l’avion traversa un trou d’air. Les tranches, nappées de sauce, dérapèrent et finirent leur chute sur une poche du costume.

D’après vous, que fit l’Anglais parmi les trois réponses suivantes ?

A. Il demanda à l’hôtesse son numéro de téléphone (ils se marieront quelques années plus tard).

B. Il envoya un flot d’injures à l’hôtesse, traitant au passage la compagnie aérienne de tous les noms et exigea le remboursement de son costume (avec des indemnités).

C. Il se leva, se tourna avec un sourire affable vers l’hôtesse, et ouvrit sa poche droite en disant : « Would you mind putting the vegetables in the other pocket, please ?» (Pourriez-vous mettre les légumes dans l’autre poche, s’il vous plaît ?)

Réponse C ! Saviez-vous d’ailleurs que les compagnies aériennes distribuent en vol deux fois plus de gâteaux sucrés que salés pour que les passagers conservent leur maîtrise ?

Nos amis Britanniques puisent essentiellement leur flegme légendaire dans leur manière de se sustenter ! Nous avons beau trouver leur nourriture approximative, ils commencent par un solide breakfast, déjeunent frugalement, prennent le thé avec des gâteaux et une pomme (an apple a day keeps the doctor away ) sur le coup de 16 heures et dînent tôt.

Leurs petits pois bouillis ? Mais c’est du sucre naturel, loin des sucres de synthèse : 8,3 g de glucides pour 100 g, quand la moyenne des autres légumes plafonne à 4,4 g. Mais pour que le glucose devienne l’allié de notre volonté, il convient d’en renouveler régulièrement le stock avec les bons aliments.  Ceux à faible teneur en sucre mais riches en protéines sont moins rapides à faire effet mais tout aussi efficaces. La solution est de consommer des glucides lents autrement dit : la plupart des légumes, les fruits à coque (noix de cajou), le fromage, le poisson, la viande, l’huile d’olive, un grand nombre de fruits crus (pommes, poires, myrtilles) et les céréales complètes.

Voici une autre histoire d’aviation, celle d’un 747 de British Airways dont les quatre moteurs ont été bloqués en plein vol, en 1982, par des cendres rejetées par un volcan indonésien. Le commandant de bord, qui avait dîné une heure plus tôt et était donc pleinement « en contrôle », annonça aux passagers : « Bonsoir, Mesdames et Messieurs. Nous avons un petit problème. Les quatre moteurs de l’avion sont à l’arrêt. On fait tout ce qu’on peut pour les faire repartir. Croyez-moi, la situation n’est pas si grave que cela. » Après plusieurs minutes de chute libre (!) de 37 000 à 12 000 pieds (environ 11 000 à 3 500 mètres), les moteurs se remirent en route…

Il convient, en revanche, de surveiller de près son apport en sucres (morceaux, poudre, synthèse) car, même si les recherches sur le sujet sont toujours en cours, il semblerait que sa consommation à forte dose engendre un comportement addictogène : il suit les mêmes circuits neuronaux (responsables de la récompense) que les drogues dures. Des expériences réalisées sur des rats démontrent qu’après avoir testé de la cocaïne et du sucre raffiné vendu dans le commerce, les rats choisissent le sucre. Au début du XXe siècle, nous consommions l’équivalent de deux morceaux de sucre naturel par jour fourni par des aliments qui en contiennent (fruits, légumes, etc.). Aujourd’hui, nous avons multiplié par plus de 10 cette consommation de sucres, dont beaucoup sont cachés dans les produits de grande consommation. Pourquoi, à votre avis, trouve-t-on autant de sucreries aux caisses des supermarchés ? Parce que vous avez usé votre volonté à choisir parmi les multiples promotions et bonnes affaires, ce qui allait remplir votre frigo et… vous vous jetez dessus !

Du fait de nos choix quant à notre alimentation, l’intelligence naturaliste a donc une incidence sur notre self-control et notre volonté.

Les chercheurs ont longtemps pensé que les personnes ayant beaucoup de self-control le montraient dans des situations extraordinaires, selon l’association héroïsme/volonté. Mais c’est le contraire : celles qui en ont le plus adoptent au quotidien un grand nombre de comportements plus ou moins automatiques liés à des habitudes régulières d’alimentation.

Bien se nourrir est donc indispensable pour constituer des réserves de self-control, pour s’entendre avec les autres, ne pas se laisser influencer et conserver sa maîtrise de soi. Et plus nous sommes dans le lâcher-prise, dans l’accueil des événements, moins nous avons de conflits intérieurs et moins nous consommons d’énergie. Car le self-control ne sert pas à se sortir de situations difficiles mais bien au contraire à se forger des habitudes régulières et bénéfiques, à se donner le temps de mener un projet à son terme.

Alors qu’attendez-vous pour changer vos habitudes alimentaires et vous faire un stock suffisant de self-control pour être prêt à affronter avec volonté et détermination les moments importants de votre journée et conserver des relations avec les autres au beau fixe ?